LACHAUX Victor
Accumulation et devenir du mercure et méthylmercure au niveau des premiers organismes de la chaîne trophique : utilisation de l’amphipode Gammarus fossarum
Encadrants : Marina COQUERY, Aymeric DABRIN (UR RiverLy, équipe LAMA) et Olivier GEFFARD (UR RiverLy, équipe Ecotox)
Ecole doctorale : Chimie, procédés, environnement (ED 206)

Résumé

Le mercure possède des propriétés physico-chimiques singulières qui lui confèrent un comportement caractéristique dans les hydrosystèmes. Le devenir du mercure dépend de la forme chimique sous laquelle il se trouve, qui conditionne sa distribution entre la colonne d’eau, les sédiments et le biote, ainsi que sa toxicité pour les organismes aquatiques. Dans les écosystèmes aquatiques, c’est principalement dans les sédiments en conditions suboxiques que le mercure est susceptible d’être méthylé (Parks et al., 2013). Le méthylmercure (CH3Hg+) représente la forme du mercure la plus toxique, car elle interagit facilement avec les barrières biologiques pour se bioaccumuler et se bioamplifier le long de la chaîne trophique (Mason et al., 1995). Ainsi, le méthylmercure représente plus de 80 % de la concentration en mercure total dans la chair des poissons prédateurs situés en fin de chaine trophique (Boudou et Ribeyre, 1997). En conséquence, le contexte réglementaire européen impose que la surveillance dans les eaux de surface du mercure soit réalisée par échantillonnage de poissons de haut niveau trophique[1]. Cette méthode de biosurveillance présente des limites : les coûts engendrés par les pêches sont importants et il est impossible d’échantillonner tous les cours d’eau, faute de poissons de niveau trophique suffisant. L’outil gammare encagé, développé par l’unité de recherche RiverLy (Besse et al., 2013) a été adopté par la réglementation française en 2017[2] en complément de la pêche de poissons. Cet outil de biosurveillance active, simple d’utilisation et peu couteux à mettre en place, permet d’effectuer des relevés plus fréquents sur la quasi-totalité des cours d’eau français sans impacter l’écosystème.

Dans ce contexte, il parait nécessaire de connaitre plus précisément le devenir du mercure et du méthylmercure chez le gammare d’une part, pour palier un manque de littérature concernant la bioaccumulation des espèces chimiques du mercure par des organismes de faible niveau trophique et, d’autre part, afin de déterminer comment appliquer l’outil gammare encagé de manière pertinente à la biosurveillance du mercure.

Les travaux préalables réalisés en collaboration par les équipes Ecotox et LAMA de l’unité RiverLy montrent la forte capacité du gammare à bioaccumuler le mercure, et des différences significatives de bioaccumulation entre les organes (Gestin et al., 2021). Cependant, la mesure du mercure total (HgT) chez le gammare semble manquer de contraste, alors que le dosage du HgT chez le poisson fait apparaitre des différences claires entre les sites (Miege et al., 2020). Le méthylmercure étant le composé le plus sujet à la bioamplification et présent dans des proportions très variables selon les espèces et le niveau trophique (Sinclair et al., 2024), il semble donc pertinent de rechercher ce composé lors des tests réalisés sur les encagements.  Les tests préliminaires réalisés au LAMA semblent confirmer cette hypothèse (Gasnault, 2023).  

Le dosage du méthylmercure reste un challenge analytique que peu de laboratoires sont capables de réaliser avec précision en France. Le dosage du méthylmercure dans des matrices biologiques s’effectue notamment par dilution isotopique (Clémens et al., 2011). La mesure est réalisée par chromatographie en phase gazeuse couplée à un spectromètre de masse à plasma à couplage inductif (GC-ICPMS). Le développement et la fiabilisation de la méthode analytique développée depuis plusieurs années au sein de l’équipe LAMA constitue donc le socle du projet. Une expérimentation visant à l’exposition de gammares encagés sur 28 sites (cours d’eau caractérisés par un fort gradient de contamination en HgT observé chez les poissons ou les gammares) permettra de mesurer la variabilité des concentrations en mercure et méthylmercure chez le gammare. Des travaux complémentaires sur les cinétiques d’accumulation et de dépuration du méthylmercure réalisés aux échelles individuelle et sub-individuelle (organes) viendront éclairer les résultats précédents et fournir une compréhension plus fine du devenir du mercure et du méthylmercure chez le gammare.

L’objectif opérationnel de ce projet est de mieux comprendre les liens existant entre les différents indicateurs dont les réseaux de surveillance disposent à propos du mercure et ses composés (concentrations en mercure dans l’eau, le sédiment, le biote, concentrations en méthylmercure) pour pouvoir former l’image la plus représentative possible de la contamination en mercure dans les rivières françaises.

[1] Directive Norme de Qualité Environnementale (2008/105/CE) : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:02008L0105-20130913
[2] Note technique de 2017 : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=42938

Bibliographie 

  • Besse, J.-P., Coquery, M., Lopes, C., Chaumot, A., Budzinski, H., Labadie, P., Geffard, O., 2013. Caged Gammarus fossarum (Crustacea) as a robust tool for the characterization of bioavailable contamination levels in continental waters: Towards the determination of threshold values. Water Res. 47, 650–660. https://doi.org/10.1016/j.watres.2012.10.024
  • Boudou, A., Ribeyre, F., 1997. Metal Ions in Biological Systems: Volume 34: Mercury and its Effects on Environment and Biology. CRC Press.
  • Clémens, S., Monperrus, M., Donard, O.F.X., Amouroux, D., Guérin, T., 2011. Mercury speciation analysis in seafood by species-specific isotope dilution: method validation and occurrence data. Anal. Bioanal. Chem. 401, 2699–2711. https://doi.org/10.1007/s00216-011-5040-1
  • Gasnault, M., 2023. Optimisation de la méthode d’analyse du méthylmercure dans un crustacé d’eau douce (organisme entier et organes) : application à la surveillance chimique des cours d’eau par biomonitoring actif. Rapport de stage de M2, INRAE, université XX.
  • Gestin, O., Lacoue-Labarthe, T., Coquery, M., Delorme, N., Garnero, L., Dherret, L., Ciccia, T., Geffard, O., Lopes, C., 2021. One and multi-compartments toxico-kinetic modeling to understand metals’ organotropism and fate in Gammarus fossarum. Environ. Int. 156, 106625. https://doi.org/10.1016/j.envint.2021.106625
  • Mason, R.P., Reinfelder, J.R., Morel, F.M.M., 1995. Bioaccumulation of mercury and methylmercury. Water. Air. Soil Pollut. 80, 915–921. https://doi.org/10.1007/BF01189744
  • Miege, C., Mathon, B., Coquery, M., Vrana, B., Smedes, F., Assoumani, A., Boutet, P., Yari, A., Grisot, G., Lestremau, F., Lepot, B., Recoura-Massaquant, R., Jubeaux, G., Allan, I., Budzinski, H., Jame, P., Perceval, O., Babut, M., 2020. Surveillance prospective - Développement d’approches graduées pour la mise en oeuvre de NQE biote - complémentarité des supports biote (poissons, gammares) et EIP. Rapport final. INRAE, OFB. Lien internet à ajouter
  • Parks, J.M., Johs, A., Podar, M., Bridou, R., Hurt, R.A., Smith, S.D., Tomanicek, S.J., Qian, Y., Brown, S.D., Brandt, C.C., Palumbo, A.V., Smith, J.C., Wall, J.D., Elias, D.A., Liang, L., 2013. The Genetic Basis for Bacterial Mercury Methylation. Science 339, 1332–1335. https://doi.org/10.1126/science.1230667
  • Sinclair, C.A., Garcia, T.S., Eagles-Smith, C.A., 2024. A Meta-Analysis of Mercury Biomagnification in Freshwater Predatory Invertebrates: Community Diversity and Dietary Exposure Drive Variability. Environ. Sci. Technol. 58, 19429–19439. https://doi.org/10.1021/acs.est.4c05920

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