Le retrait glaciaire modifie l’habitat des cours d’eau alpins et réduit ainsi la protection de leur biodiversité

Les régions alpines se réchauffent à un rythme plus rapide que la moyenne planétaire. Or, le niveau élevé d’endémisme rend la biodiversité alpine particulièrement vulnérable au changement climatique car les barrières géographiques limitent les possibilités de migration vers le pôle. On attend donc que les populations d’espèces alpines se retirent vers des altitudes plus élevées. Grâce au couplage de modèles de l’extension future des glaciers, de leur influence sur les conditions de vie dans les cours d’eau qu’ils alimentent et de niches écologiques des espèces, une équipe internationale de chercheurs a mis au point une méthode nouvelle pour identifier les refuges potentiels dans le futur pour les espèces adaptées aux basses températures. Cette nouvelle approche peut désormais être appliqué pour estimer la biodiversité alpine future et guider l’adaptation des espaces protégés afin d’optimiser leur potentiel de conservation.

Méthodes

Les distributions futures des invertébrés dans les cours d’eau ont été modélisées à intervalles de 10 ans sur la période 2020-2100, pour tous les sous-bassins glaciaires des Alpes situés au-dessus de 2'000 mètres d’altitude, à l’échelle de tronçons de rivière de 10x10m.
Ces projections sont pilotées par un modèle d’influence glaciaire déterminant la proportion englacée du bassin à l’amont dechaque segment de cours  d’eau. L’étendue future des glaciers est dérivée du modèle global d’évolution des glaciers (GGEM). Les modèles de distribution future ont été construits pour quinze espèces d’invertébrés aquatiques à partir de 656 échantillons biologiques accompagnés de mesures environnementales comprenant l’influence glaciaire et des caractéristiques hydrologiques, hydrauliques et physicochimiquesdes cours d’eau.

Principaux résultats

Il est prévu que l’influence glaciaire sur les écosystèmes d’eau courante diminuera jusqu’à à la fin du 21ème siècle dans tous les bassins versants des Alpes.

Des projections de la structure du réseau hydrographique et de l’influence glaciaire sont maintenant disponibles pour l’ensemble des Alpes entre 2020 et 2100. La plupart des espèces alpines connaîtront un déclin de la superficie de leur habitat disponible à l’échelle européenne en 2100.

En 2100, beaucoup des aires vitales pour les invertébrés d’eau glaciaire froide se trouveront à l’extérieur des réseaux actuels d’espaces protégés. Il en résulte des préoccupations relatives à la conservation car les zones où les glaciers persisteront en 2100 seront également soumises à d’autres pressions comme la production hydroélectrique ou le ski.
La multiplication des suivis de la biodiversitéalpine s’avère indispensable afin de modéliser la distribution future d’un plus grand nombre d’espèces et soutenir ainsi les décisions relatives à leur conservation.
Nos progrès en termes de capacité demodélisation peuvent désormais être utilisés dans d’autres régions de montagnes où des estimations locales ne sont disponibles que pour un nombre limité d’espèces.

Pour en savoir +

Le travail présenté ici a été mené par des scientifiques du Royaume-Uni, d’Autriche, de France, d’Italie et de Suisse, à partir d’études menées depuis les années 1990.

La publication complète des travaux est disponible en ligne :
https://www.nature.com/articles/s41559-023-02061-5

Pour plus d’informations :  l.brown@leeds.ac.uk
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