RADIŠIĆ Katarina
Prise en compte d’incertitudes externes dans l’estimation de paramètres d’un modèle de transfert d’eau et de pesticides à l’échelle du bassin versant
Encadrants : Claire Lauvernet (INRAE, UR Riverly, Pollutions Diffuses) et Arthur Vidard (Univ. Grenoble Alpes, Inria, CNRS, Grenoble INP, LJK)
Ecole Doctorale : ED 217, Mathématiques, Sciences et Technologies de l’Information, Informatique (MSTII), Université Grenoble Alpes.

Objectif général

L’objectif général de ma thèse est de proposer une méthodologie permettant l’estimation de paramètres d’un modèle spatio-temporel distribué de transferts d’eau et de pesticides (le modèle PESHMELBA) en présence d’incertitudes externes (par exemple, la pluie, l’évapotranspiration, les dates d’application de pesticides, etc.).

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Figure 1: Influence d’une incertitude externe Z(ω) sur la calibration du paramètre x © Katarina RADIŠIĆ

Figure 1, on cherche à trouver x qui minimise l’écart entre la simulation M et l’observation yobs, donné par la fonction coût f(x,Z(ω)). La fonction coût dépend aussi de z (forçage externe, par exemple les précipitations), menant la minimisation à différents résultats x≠ x2 selon la réalisation de l’incertitude externe (ici z1 et z2). L’objectif d’une calibration robuste est de réduire la dépendance du minimisateur à la réalisation de Z(ω).

Contexte et problématique

Les problématiques liées à l’utilisation de pesticides sont un enjeu majeur pour une agriculture durable et de qualité. Il est donc important de disposer de connaissances et d’outils permettant de quantifier les transferts de pesticides vers les eaux de surface et leur impact sur l’environnement afin de les limiter. Dans ce contexte, le modèle PESHMELBA (PESticides et Hydrologie: Modélisation à l’EcheLle du Bassin versant, Rouzies et al. (2019) propose un assemblage original de modélisation conceptuelle et de lois physiques pour représenter les transferts dominants au sein d’un petit bassin versant agricole. Considérant que les éléments du paysage (parcelles, haies, bandes enherbées, rivières, fossés, etc.) et leurs connexions influencent grandement le devenir des pesticides, cet outil nécessite de spécifier une quantité importante de paramètres (caractéristiques du sol, de la végétation, des molécules appliquées) et d’entrées dynamiques (climat, pratiques agricoles, etc.) pouvant parfois être difficilement mesurables ou mal connus. Or, pour l’utiliser à terme le modèle PESHMELBA comme outil d’aide à la décision pour aménager des bassins agricoles, il est nécessaire de réduire et/ou quantifier les différentes incertitudes associées aux variables qu’il simule.
On peut considérer les entrées d’un modèle hydrologique en deux types:

  • (i) paramètres ”à estimer” (x) : leur valeurs peuvent être ajustées pour obtenir des sorties de modèle plus proches des observations (par ex. propriétés hydrodynamiques)
  • (ii) forçages externes (z) : termes que l’on impose au modèle, tels que les précipitations, lesdates d’application de pesticides, les conditions aux limites, la discrétisation, etc.

Les sorties du modèle hydrologique souffrent des incertitudes présentes dans ces deux types d’entrées, mais celles-ci diffèrent par leur nature: l’incertitude provenant de x provient d’une mauvaise spécification des paramètres, et peut être réduite en obtenant davantage d’observations (calibration). L’incertitude provenant de z ne peut pas être réduite dans le cadre d’une calibration, car elle n’en fait pas explicitement partie (elle est ”subie”).
Ignorer les incertitudes de z revient à ce que les paramètres estimés x ne soient optimaux que localement dans les valeurs de z (voir Figure 1), il n’est donc pas garanti que le modèle calibré soit performant lorsque différentes valeurs sont attribuées à z, par exemple sous de nouveaux forçages (autre période, projections, etc.).

Démarche envisagée

Les approches de contrôle robuste permettent de trouver un ensemble de paramètres qui satisfait certains tests de robustesse, tels que la minimisation de la variance ou de l’espérance d’une fonction coût, ou tout autre critère de robustesse, tout en prenant en compte les incertitudes externes. Cette approche est exigeante en termes de calcul et son application à PESHMELBA, modèle couplant de nombreux processus et relativement coûteux, est un véritable défi et nécessite l’utilisation de plans d’expériences pour réduire le nombre de simulations ainsi que de modèles d’ordre réduit (métamodèles) pour en réduire le coût de calcul

Avancées

Une des premières étapes lors de la calibration, consiste en une analyse de sensibilité, dont l’objectif est d’identifier les paramètres les plus influents sur la sortie. Dans Radišić et al. (2024), on a hiérarchisé l’influence des paramètres d’entrée par leurs indices de Sobol dans un contexte classique, puis montré l’impact de différents forçages, tels que les événements pluvieux ou les dates d’application de pesticides, sur les résultats de l’analyse de sensibilité. Cette 2e étude souligne la nécessité de prendre en compte les incertitudes liées à ces forçages Radišić et al. (2024).
Enfin, une calibration robuste du modèle PESHMELBA est implementée. Le coût de calcul est réduit à travers des metamodèles stochastiques (Lüthen et al., 2023). Cette approche est d’abord appliquée sur les profils d’humidité à l’échelle de la parcelle, puis étendue pour étudier les transferts de pesticides sur un petit bassin versant virtuel représentatif d’une partie de la Morcille. La Figure 2 illustre l’intérêt de la calibration robuste, avec des concentrations simulées plus proches des observations que celles obtenues par l’approche classique.

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Figure 2: Simulations PESHMELBA des concentrations journalières de pesticides à l’exutoire. © Katarina RADIŠIĆ

Figure 2, les couleurs correspondent à des calibrations différentes. Les ensembles de la même couleur représentent la propagation de l’incertitude sur les dates d’application des pesticides. La ligne noire correspond aux simulations avec la valeur réelle (mais inconnue) des paramètres.

Financement

Département MathNum de INRAE (financement dans le cadre de thèses co-encadrées par INRAE-Inria), environnement de travail : projet ECOPHYTO SPIRIT et projet LEFE-MANU MARQUISE.

Références

  • N. Lüthen, S. Marelli, and B. Sudret. A spectral surrogate model for stochastic simulators computed from trajectory samples. Computer Methods in Applied Mechanics and Engineering, 406:115875, Mar. 2023. ISSN 00457825. doi: 10.1016/j.cma.2022.115875. URL https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0045782522008313.
  • K. Radišić, C. Lauvernet, and A. Vidard. Impact of input forcings variability on the global sensitivity analysis of a hydrological model. preprint, under review in Environmental Software Environment, Dec. 2024. URL https://hal.inrae.fr/hal-04849856.
  • K. Radišić, E. Rouzies, C. Lauvernet, and A. Vidard. Global sensitivity analysis of the dynamics of a distributed hydrological model at the catchment scale. Socio-Environmental Systems Modelling, 5:18570, Jan. 2024. ISSN 2663-3027. doi: 10.18174/sesmo.18570. URL https://sesmo.org/article/view/18570.
  • E. Rouzies, C. Lauvernet, C. Barachet, T. Morel, F. Branger, I. Braud, and N. Carluer. From agricultural catchment to management scenarios: A modular tool to assess effects of landscape features on water and pesticide behavior. Science of The Total Environment, 671:1144–1160, 2019. ISSN 0048-9697. doi: https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2019.03.060.