Une cartographie inédite révèle les inégalités de protection des cours d’eau en France

COMMUNIQUÉ DE PRESSE - Pour protéger les écosystèmes d’eau douce, la loi sur l’eau régule les activités et installations pouvant impacter les cours d’eau qui sont définis légalement depuis 2015. Des chercheurs d’INRAE ont établi la première carte nationale des cours d’eau, qui révèle des inégalités entre départements dans l’application de cette définition, au détriment des petits ruisseaux de tête de bassin, souvent riches en biodiversité, et des ruisseaux intermittents. Des résultats publiés le 19 septembre dans la revue Environmental Science & Technology.

Des ruisselets glaciaires aux grands fleuves, les cours d’eau sont essentiels au bien-être de nos sociétés, mais particulièrement vulnérables aux effets des activités humaines. La santé de ces écosystèmes repose sur des législations environnementales qui régulent les activités et installations pouvant les impacter.

En France, la loi sur l’eau a officialisé depuis 2015 la définition légale du cours d’eau, en édictant 3 critères : posséder un lit d’origine naturelle, être alimenté par une source autre que les précipitations seules et avoir un débit suffisant une majeure partie de l’année. En partant de cette définition, les départements ont été missionnés pour établir une cartographie de leur territoire, en se basant également sur des données topographiques de l’Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et sur des expertises complémentaires.

C’est dans ce contexte que des chercheurs d’INRAE ont évalué la représentation des cours d’eau en France, pour mieux comprendre les implications de cette définition sur la protection des écosystèmes d’eau douce.

Pour ce faire, 91 cartes départementales ont été rassemblées pour construire la première carte nationale des cours d’eau. Elle comprend plus de 2 millions de tronçons totalisant 680 000 km et couvre 93 % de la France métropolitaine (hors Corse).

Les chercheurs ont comparé cette carte avec les données de l’IGN. Résultat : ils estiment qu’environ un quart des tronçons hydrographiques qui apparaissaient sur les anciennes cartographies du réseau fluvial a été qualifié de non-cours d’eau.

Carte_France

Les ruisseaux intermittents (qui cessent de couler et/ou s’assèchent une partie de l’année) et les ruisseaux les plus en amont des bassins versants, essentiels pour la qualité de l’eau et la bonne santé des écosystèmes, sont les plus exposés aux disqualifications. En effet, les chercheurs estiment par analyse cartographique que les ruisseaux intermittents représentent 60 % de la longueur du réseau hydrographique cartographié mais constituent environ 80 % des tronçons hydrographiques disqualifiés comme non-cours d’eau. Pour les ruisseaux les plus en amont selon les cartes de l’IGN, les chiffres sont de 42 % et 56 %, respectivement.

Des différences de classification entre les départements et au sein des départements ont été observées. 18 départements ont construit une cartographie dans laquelle la longueur totale des cours d’eau était plus importante que dans la base de données de l’IGN en recensant de nouveaux cours d’eau, tandis que 15 autres départements ont disqualifié au moins 50 % de la longueur totale du réseau hydrographique en non-cours d’eau.

Ces variations entre départements et par rapport aux bases de données peuvent s’expliquer par des interprétations différentes de la définition de cours d’eau, notamment sur la notion de débit suffisant, par une hétérogénéité des moyens d’expertises et par l’implication des parties prenantes locales dans le processus de cartographie. Les chercheurs ont par ailleurs observé 1 500 cas de discontinuité dans la cartographie, avec par exemple un cours d’eau entouré de non-cours d’eau et inversement.

Cette étude souligne donc la complexité de l’évaluation et de la qualification en cours d’eau des tronçons hydrographiques en France et la nécessité d’une mise en cohérence à l’échelle nationale, qui plus est dans le contexte du changement climatique où de nombreux ruisseaux pourraient s’assécher une partie de l’année.

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