L’écotoxicologie, vous connaissez ?

L’écotoxicologie étudie le devenir des contaminants chimiques dans l’environnement et leurs effets sur le vivant. Elle constitue une discipline dont les contours ont évolué à la faveur de réflexions récentes et dans laquelle INRAE joue un rôle de premier plan. Explications.

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Plastiques, pesticides, perturbateurs endocriniens*....  Produits par les activités humaines, ils sont présents dans notre environnement. Consommateurs, associations, industriels, élus et autres, tous et toutes s'interrogent sur l’impact des substances chimiques polluantes sur l’environnement : l’air, les eaux, les sols et les organismes qui y vivent. Une perspective que décline l’écotoxicologie et que servent les équipes INRAE au quotidien. On vous explique !

Qu’est-ce que l’écotoxicologie ?

Discipline somme toute récente, l’écotoxicologie est née au siècle dernier, à la fin des années 60, d’une prise de conscience de l’ampleur et de la gravité de la contamination des écosystèmes par des molécules toxiques et de l’intensification concomitante des recherches autour des problèmes de pollution des milieux naturels.

Il est classique de la situer à l'intersection de la toxicologie, de l'écologie et de la chimie de l’environnement.
Comme la toxicologie, l’écotoxicologie s’intéresse aux effets des substances toxiques sur les organismes vivants suite à une exposition. Elle aborde notamment les effets de ces substances à différents niveaux d’organisation biologique, depuis la cellule et ses composantes jusqu’à l’individu, la population ou la communauté. De plus, elle tient compte de scénarios d’exposition déduits de l’étude du devenir des contaminants* chimiques dans l’environnement et réalisés à l’aide des méthodes de la chimie de l’environnement.
Comme l’écologie, l’écotoxicologie s’intéresse aux relations entre les organismes et leur environnement et aux fonctions écologiques auxquelles ces organismes contribuent. Elle se concentre sur les perturbations de ces relations et des processus associés que peuvent provoquer les substances toxiques, en prenant en compte les réseaux d’interactions entre espèces au sein des communautés.

En pratique, l’écotoxicologie regroupe des études sur le devenir des contaminants chimiques issus des activités humaines qui se retrouvent dans l’environnement, sur leurs effets à différents niveaux d’organisation du vivant, et sur les perturbations qui en découlent sur l’ensemble de l’écosystème. Elle apporte des connaissances sur l’évaluation de la toxicité des substances toxiques pour les organismes, sur les risques associés pour la biodiversité et ses fonctions et sur la capacité des écosystèmes à maintenir leur fonctionnement dans un contexte de contamination.

Un peu de vocabulaire…
 

Un perturbateur endocrinien est une substance – ou un mélange de substances – chimique, d’origine naturelle ou synthétique, étrangère à l’organisme, et susceptible d’interférer avec le fonctionnement du système endocrinien de celui-ci, c’est-à-dire des cellules et organes impliqués dans la production des hormones et leur action sur les cellules cibles.

Un contaminant est un agent (biologique, chimique ou physique) qui cause la modification des propriétés (physiques, chimiques ou biologiques) d'un milieu ou d'un organisme.

L’exposome correspond à l’ensemble des expositions environnementales auxquelles nous sommes soumis durant notre vie : exposition chimique, dans notre environnement et notre alimentation, physique, biologique au travers des (micro)organismes avec lesquels nous sommes en contact mais aussi des carences alimentaires au cours du développement et facteurs psychoaffectifs ou socioéconomiques (stress, inégalités sociales).

Quelques exemples de travaux INRAE

Un champ interdisciplinaire confronté à des enjeux majeurs

L’écotoxicologie a d’abord cherché à caractériser l’effet de contaminants sur des organismes, cibles ou non, vivant dans les milieux naturels. Avec la présence généralisée dans l’environnement de cocktails de substances diverses qui agissent à très faibles doses (substances pharmaceutiques, perturbateurs endocriniens…), elle cherche désormais à caractériser l’ensemble des expositions que subissent les organismes, à l’instar de l’étude de l’exposome* chez l’humain. L'écotoxicologie vise à mieux comprendre les effets qui surviennent dans des conditions de concentrations sublétales (c’est-à-dire n’entraînant pas la mort) pour des substances dispersées, de façon diffuse ou ponctuelle, dans l’environnement.

Sécurité alimentaire, changement climatique, environnement, santé… Les enjeux actuels suscitent de nouvelles questions de recherche en matière d’écotoxicologie. A l’intersection de ces enjeux, le Pacte vert pour l’Europe incite à faire évoluer les systèmes alimentaires vers des pratiques qui préservent la santé de l’environnement et de l’humain ainsi que la durabilité des systèmes. Dans ce contexte de transition agroécologique, l’écotoxicologie trouve toute sa place. Elle contribue à fournir des informations qui permettent de préserver et gérer durablement les sols, les ressources en eau, la biodiversité et les écosystèmes.

Entre pollution et innovation, le plastique cherche sa place
Par exemple, les scientifiques INRAE cherchent des solutions pour lutter contre la pollution plastique, notamment en développant des emballages biodégradables innovants, et en anticipant la totalité de leurs impacts dès leur conception. Entretien avec Nathalie Gontard, chercheuse spécialiste de l’emballage sans plastique et zéro déchet.

Explorer les impacts des débris plastiques sur la santé des sols et la productivité agricole : le projet MINAGRIS
Bien que les quantités de plastiques qui pénètrent dans les sols soient égales, voire supérieures, à celles qui atteignent nos rivières, nos mers et nos océans, l'impact des débris plastiques sur la santé des sols est largement méconnu. Le projet MINAGRIS (UE, 2021-2026) dont INRAE est partenaire, étudie comment les débris plastiques affectent la biodiversité des sols, leurs fonctions, les services écosystémiques associés et la productivité agricole.

Biodiversité et services rendus par la nature : que sait-on de l’impact des pesticides ?
Dans quelle mesure les oiseaux, insectes et autres organismes vivants sont-ils affectés par les pesticides ? Quel est l’effet de ces substances sur des services aussi essentiels que la pollinisation ou la lutte biologique contre les ravageurs ? Une expertise scientifique collective INRAE-Ifremer livre des enseignements actualisés sur l’impact des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et sur les services que les écosystèmes rendent à la société. Elle identifie des pistes pour les réduire.

L’exposition aux dioxines et PCB et les risques pour la santé humaine
Certaines recherches INRAE ciblent la sécurité chimique des aliments et la caractérisation de l’exposome chimique humain au service de l’étude du lien exposition-santé. Parmi les travaux des équipes de l’Institut, trois études pointent les effets sur la santé de certains polluants chimiques, notamment des perturbateurs endocriniens persistants tels que les dioxines et certains polychlorobiphényles (PCB).

3 questions à une jeune pousse : Biomae
Mesurer la contamination, évaluer la toxicité des micropolluants… La surveillance de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques en France s’appuie désormais sur des bioessais développés par la start-up Biomae dans les laboratoires INRAE. Une réussite qui doit beaucoup à un petit crustacé d’eau douce, le gammare. Rencontre avec Guillaume Jubeaux, codirigeant de Biomae.

Développement d’outils intégratifs passifs et de biosurveillance pour mieux mesurer la qualité de l’eau
Le projet Impact-CE (AFB & ministère de l'Agriculture, 2016-2019), coordonné par INRAE, portait sur le développement et l’application d’outils de mesure et d’indicateurs de l’impact in situ des substances phytopharmaceutiques sur les cours d’eau afin de mieux en caractériser les concentrations moyennes et en évaluer les impacts sur le milieu aquatique. 

Et demain ?

Le défi pour l’écotoxicologie consiste à pouvoir anticiper les conséquences d’une contamination avant que les effets sur les écosystèmes ne soient irréversibles. Pour cela, il convient de mettre au point des outils et méthodes qui permettent de prédire, mettre en évidence ou qualifier l’exposition des organismes (écoexposome) et d’anticiper les impacts, notamment sur la biodiversité (diversité des espèces et leurs fonctions). Cela concerne entre autres l’identification et le suivi de marqueurs d’exposition, d’effet voire d’adaptation.

Il convient également de décloisonner les recherches, faire travailler ensemble des personnes et des équipes issues de diverses disciplines scientifiques, pour aborder les différentes dimensions de la problématique. Cela doit conduire à combiner les dimensions académiques avec l’innovation et l’appui aux politiques publiques, associer des échelles multiples (temporelles, spatiales mais aussi organisationnelles), modéliser, réaliser des simulations, intégrer la complexité des systèmes et les incertitudes, et établir des partenariats tout en élargissant la palette des porteurs d’enjeux mobilisés.

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Date de modification : 07 juillet 2023 | Date de création : 05 juillet 2022 | Rédaction : com